En attendant que quelque chose se passe...

Son ami Aarckalon était malade et cloué au lit, ses grand-parents très occupés à faire le marché ou à travailler... Ama' se dirigea donc vers le port après avoir arpenté, de long en large et sans rien y trouver d'intéressant , les rues et ruelles de sa ville natale. Il était très tôt, le soleil pointait à peine ses premiers rayons au dessus de l'horizon, teintant de rose pâle le firmament déjà bleu. Longeant le quai, elle saluait les pêcheurs qu'elle connaissait et même ceux qu'elle ne connaissait pas. Tous savaient qu'elle était la petite-fille d'un des meilleurs pêcheurs du coin. Elle s'arrêta devant un chalutier vert et bleu dont on était en train de hisser la voile. Enjambant prestement le tas de filets laissé par terre, elle grimpa sur le pont. Son grand-père y était déjà, avec ses collègues, afin de préparer le matériel pour sa journée de travail. Ama' les salua, puis engagea la conversation avec eux :

- Pourquoi partez-vous toujours si tôt ?
- Mais parce que si on veut faire une bonne pêche, il faut y aller avant que tout ne soit pris, expliqua Grand-père.
- Mais le poisson est tellement abondant...
- Oui, mais sache que lorsque l'on part plus tôt, on en attrape plus, vu qu'on gagne du temps ! coupa un autre pêcheur.
- D'accord, d'accord... Vous avez votre déjeuner, au moins ?
- Mais c'est presque qu'elle s'inquièterait pour nous, ta petite, Elrohir !
- Elro', héla un grand baraqué. On va rater la marée ! Dis à la petite caille de descendre, sinon on l'embarque !

Ama' ne se le fit pas dire deux fois. Elle descendit en courant, les aida à remonter le ponton puis après les avoir salués continua ses déambulations à travers le port. Au bout d'un moment elle s'aperçut qu'elle ne se trouvait plus sur les pierres du quai mais sur le sable. La plage était déserte, les plantes des sables dansaient lentement au rythme d'un doux vent tiède qui fit frissonner Ama' de plaisir. Elle s'assit sur un rocher pour contempler l'horizon, tout en se disant que sa grand-mère ne s'inquièterait pas, cette dernière sachant toujours où elle se trouvait.

Ama' sursauta, n'ayant pas entendu la jeune fille arriver. Elle se retourna, la considéra un moment. Elle avait l'air gentille... Elle sourit, heureuse de trouver quelqu'un avec qui faire connaissance.

- Ravie de te rencontrer. Moi c'est Amaleihah mais tu peux m'appeler Ama', si tu veux.

Elle se dit qu'elle ne l'avait jamais vue par ici... Elle décida alors de lui demander, quitte à passer pour une indiscrète.

- Mais je ne t'ai jamais vue ici, d'où tu viens ?

Puis elle s'écarta pour lui faire une place sur le rocher, époussetant le sable de sa main.

- Je suis d'ici, en effet... Mais je commence à tout connaitre par coeur... Ce n'est pas le cas de Krhun, je n'y suis jamais allée. Et j'ai 16 ans, et toi ? Tu...

Soudain, dans le bois qui se trouvait juste après la plage, derrière la dune, on entendit un loup lancer un cri. Amaleihah s'interrompit et se figea, fascinée. Lorsque le loup se tut, elle se tourna et vit que Zack' la détaillait. Croyant que c'était à cause de sa réaction au cri de la bête, elle se justifia, l'air désolé :

- Je viens souvent ici. Il y a des loups dans ce bois. Je ne les ai jamais vu mais leur voix me fascine, je ne sais pas pourquoi... Le chant du loup me paralyse et me fait oublier tout mes soucis... Quand je suis triste, je viens là et je les écoute. Mais je ne sais pas pourquoi, je n'ai jamais osé aller les voir...

Ama' se demanda ce qui pouvait provoquer chez Zackéa ce sourire.

*Oh, non... elle va me prendre pour une folle et elle va partir... *

Soudain, elle réalisa ce que venait de lui dire son amie :

- Viens, on va les voir.

- C'est vrai ? Tu m'accompagnes ?

Elle se leva et se précipita dans le bois. Aussitôt qu'elle pénétra la végétation, elle n'entendit plus ni le doux bruit du ressac, ni les mouettes, mais uniquement le son des feuilles qui se balançaient au vent et la chanson des loups.

*Ils sont peut-être dangereux*

Elle tira sa dague de son fourreau. Dans le mouvement son coude heurta Zackéa.

- Oh ! Pardon ! Je n'avais pas vu que tu me suivais !

Soudain, émergeant d'un fourré, deux pattes grises se posèrent devant elle. Ama' leva la tête, et son nez rencontra la truffe humide d'un grand loup qui ne paraissait pas vraiment hostile. Par prudence elle recula de quelques centimètres, serrant le manche de son arme.

- Wolfgang ?

Tout se passa très vite, et elle comprit. Zack' était de ceux dont elle avait déjà entendu parler mais qu'elle n'avait jamais rencontré. Elle en avait lu quelque chose à la bibliothèque.

- Tu es liée ! Tu es liée au loup qui s'est interposé ! Il ne faut pas qu'il meure !

Elle fit demi-tour et courut vers le lieu de la rixe. Elle s'arrêta à quelques mètres de là, et regarda avec terreur les deux imposantes bêtes livrer combat. Elle aimait les batailles et y aurait prit part avec plaisir mais elle savait que si celle-là ne s'arrêtait pas, elle perdrait sa nouvelle amie. Alors elle ne put se retenir et hurla.

- ARRÊTEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEZ !!!

Son cri résonna dans tout le bois. Soudain il n'y eut plus un seul bruit, les oiseaux se turent et même les deux loups se tournèrent vers elle. Elle était essoufflée et regardait sans mot dire la scène avec des yeux plains de colère, le poing serré sur sa dague.

Ama' respirait de plus en plus fort et ne tenait pas compte des réactions de Zackéa. Inspirant profondément, et d'une voix saccadée elle dit :


- Nous ne sommes pas venues ici pour provoquer une bagarre. Je voulais voir les loups par simple curiosité. Zackéa, qui en a l'habitude, m'a accompagnée. Il n'est pas question que notre présence provoque la mort d'un loup, quelqu'il soit, sauvage ou lié. Alors tout le monde va rentrer chez soi, calmement et sans un seul grognement, sinon c'est moi qui vais faire le ménage.

La colère avait prit le dessus sur la peur. Bien que les loups soient deux fois plus grand qu'elle, elle rangea sa dague dans son fourreau et sortit son épée dans un bruit sec. Et là, ça ne rigolait pas. Elle n'était même pas sûre que les loups la comprennent, et encore moins qu'ils allaient lui obéir, elle, une simple gamine de seize ans à qui personne n'avait rien demandé.

Zackéa fixa son amie avec un mélange de peur et de stupéfaction. Puis, elle regarda les deux bêtes qui observaient elles aussi le jeune fille. Puis, un bruit d'épée que l'on sort d'un fourreau se fit entendre.
Un instant, la jeune liée ressentit un soulegement en entendant ce bruit, car elle pensa tout de suite à un valeureux chevalier qui mettraient en fuite les loups sans leur faire de mal. Mais, horrifiée, elle se rendit compte que c'était en réalité Ama' qui tenait une épée brandie vers les loups.

* Wolf, qu'est-ce qu'on fait ? *

Le loup grogna.

* Wolfgaaaaang,pensa t-elle angoissée, Qu'est-ce qu'on fait ? *

* Heu. . . Surtout, il ne faut pas qu'elle attaque. *

- Heu, Ama'. je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée.[i]lança Zackéa d'une voix tremblante.

Mais la jeune fille ne bougea pas, et elle continua à fixer les bêtes, l'épée en l'air.
Alors, Wolfgang plongea ses yeux dans les siens, et tenta de lui faire comprendre qu'attaquer était une mauvaise idée qui ne les arrangeraient, ni l'un, ni l'autre, qu'il valait mieux qu'elle parte avec son amie, et qu'il les rejoindrait ensuite.
Mais même avec des yeux appaisant, faire comprendre tout ça par les regard est assez compliqué. . .

Ama' croisa le regard de Wolfgang puis, très lentement, rangea son épée.

- Zack' , tu peux dire à ton ami que je n'avais pas l'intention d'attaquer mais seulement de calmer la situation...

Puis, tournant les talons, elle s'en retourna en direction de la plage, plantant là les deux loups et son amie.

Ama' se retourna. Elle essaya de retenir ses larmes parce que jamais, jamais elle n'avait pleuré devant quelqu'un. Dans un dernier effort, elle ravala ses sanglot et prit la parole.

- C'est à cause de moi que ton ami est en danger. J'aimerais l'aider mais c'est inutile, il se débrouille seul. Je ne fais pas le poids.

Elle renifla, frotta ses paupières puis leva les yeux sur le visage de Zack'.

- Il ne peut pas lui arriver malheur. Il possède quelque chose que son adversaire n'a pas, et qui lui assurera la victoire parce que cette chose est plus forte que tout : ton amitié... Il faut que je me change les idées.

Amaleihah se déshabilla jusqu'à n'avoir plus que ses sous-vêtements sur le dos. Elle sauta de son rocher, avança lentement vers la mer. L'eau était tiède. Elle continua jusqu'à avoir de l'eau sous la poitrine. Elle plongea la tête la première, ressortit, replongea, se mit à barboter, son insouciance soudain retrouvée.

Amaleihah se retourna lorsqu'elle entendit Zackéa la rejoindre. Derrière elle, sur la plage, se tenait Wolfgang, majestueux. Elle ne put s'empêcher de sourire.

- Je te l'avais dit, Zack'. Il ne peut rien lui arriver.

Elle replongea, reparut un peu plus loin, puis revint vers elle. Elle nageait bien, par habitude.

- Tu aimes l'eau ? Viens, on va chercher des coquillages !

Amaleihah ne pouvait percevoir l'échange entre son amie et Wolfgang. Croyant Zack' occupée à rêver ou autre, elle se dirigea vers un éclat rouge qui venait d'un peu plus loin. Elle plongea. Elle avait l'habitude de l'eau, son grand-père étant l'un des meilleurs pêcheurs de la région, elle passait souvent son temps libre dans l'eau. elle avait été ravie de voir que Zack' nageait également très bien. Arrivée près de l'éclat rouge elle constata qu'il s'agissait d'un de ces coquillages dont elle ne se souvenait plus du nom, mais réputés pour la beauté de leur coquille et le goût exquis de leur chair. Ils étaient difficiles à attraper et constituaient par conséquent un mets de choix. Vive comme l'éclair elle s'en empara et remonta à la surface.

- Zack' ! Regarde ! Un truc, un chose... C'est Grand-père qui va être fier !

Elle sortit de l'eau, le mit dans sa besace et retourna près de Zackéa.

Lorsque Zack' lui posa sa première question, elle se gonfla, malgré elle, d'une certaine fierté et répondit

- Mon grand-père est l'un des meilleurs pêcheurs et marin de la ville et des alentours. Grace à lui nous gagnons beaucoup d'argent et c'est pour ça que je peux m'offrir de belles armes. Ce coquillage, là, il vaut son pesant de pièces et je pense que je vais bientôt acheter une selle neuve à mon Daëdonn.

Et à la deuxième question :

- Je n'ai pas connu mes parents. Mon père était soldat, j'espère qu'il a eu l'occasion de recevoir des honneurs avant de disparaître... Ou peut-être qu'il est toujours en vie. je ne me suis jamais posé la question.

Ama' par politesse s'apprêtait à questionner Zack', mais son sens de l'observation lui permit de remarquer le mouvement d'anxiété de son amie. Elle garda le silence donc, puis replongea et se mit à faire des figures dans l'eau, imitant les sirènes.